Ils étaient dix ; dix avocats venus d’ici et d’ailleurs ce 21 mars, sélectionnés pour participer au 32ème concours international de plaidoiries du Mémorial de CAEN ; dix pour dire au monde leur indignation et leur colère face aux attaques scandaleuses, brutales et meurtrières contre le genre humain.
Et parmi ces dix, notre jeune confrère Laura TEMIN. Son propos ? Porter la parole de ces hommes et de ces femmes venus de Guyane, débarquant à Orly ou à Roissy, le ventre empli de boulettes de cocaïne sous la coupe de vils trafiquants, qui risquent la mort par overdose à la moindre rupture d’un sachet ou l’incarcération avec à la clé « des peines au kilo » et dont le sort… n’intéresse personne !
Avec talent (mais le talent n’est rien sans le cœur), avec force, avec générosité, elle les a rendus à notre humanité ; elle a fait d’eux nos frères et sœurs. Elle a tant et si bien fait, que bousculé dans ses certitudes, le jury unanime lui a décerné le prix du Mémorial et de la ville de Caen !
Madame et cher confrère, chère Laura, le barreau est fier de vous avoir en son sein ; il vous est aussi reconnaissant de lui rappeler si bellement que la mission, le devoir de l’avocat, c’est de rendre la parole à ceux qui n’en ont pas ou qui l’ont perdue.
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Qu’un Président de chambre refuse de renvoyer à une audience ultérieure l’examen du dossier d’un prévenu frappé par la Covid 19 alors même que tous les avocats parties aux procès mais également le représentant du Ministère Public s’associent à la demande de l’avocat de l’intéressé, c’est au mieux étrange, au pire déraisonnable. Mais après tout, le magistrat n’est-il pas maître du rôle de son audience ? Mais qu’au motif que l’avocat manifeste une légitime émotion face à une telle décision, il s’avise d’ordonner aux forces de l’ordre de l’expulser manu militari, c’est proprement inacceptable.
C’est pourtant ce qui est advenu le 11 mars dernier à la chambre correctionnelle du Tribunal judiciaire d’Aix-en-Provence, suscitant l’inquiétude extrême de tous les avocats de France.
Que dire en effet d’une telle atteinte aux droits de la Défense, d’un tel mépris pour le droit de chacun de nos concitoyens à un procès équitable, d’un tel manquement à la déontologie du Magistrat ?
L’heure, nous dit-on, est à restaurer, mieux même à consolider les relations avocats-magistrats qui, il est vrai, se sont distendues pour des raisons diverses, certaines étrangères à la volonté des intéressés, d’autres tenant au sentiment de chacun qu’il appartient à « une » profession, ce qui le conduit à un certain corporatisme d’où naissent les antagonismes.
De cela, la Justice ne peut que souffrir, Elle qui a pour finalité la paix sociale !
Les avocats l’ont compris qui aspirent à ce que, par-delà leurs différences, magistrats et avocats, renonçant à leur « drôle de guerre », songent à se mieux connaître pour mieux partager et contribuer ensemble, sans compromission et dans le respect de la mission de chacun, à une justice plus efficace, mieux comprise et partant plus humaine. Perspective ou utopie ?
Mesdames et messieurs les magistrats, vous qui êtes habités par des valeurs communes à celles des avocats, consacrées par un guide des bonnes pratiques, vous qui affirmez (souvent) que « les droits de la Défense sont fondamentaux pour assurer une indispensable équité à l’œuvre de Justice », votre silence face au terrible évènement du 11 mars dernier résonne terriblement ! On eut tant aimé vous entendre…
La fin des antagonismes : perspective ou utopie ?